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Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/323

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table son chapeau, dans le fond duquel la rusée hôtesse put lire les véritables initiales de son locataire de passage, et elle reprit :

— « Monsieur d’Albert voudra-t-il que ma domestique se charge aussi du service, ce sera cinquante francs de plus par mois ? … »

Ce prix exorbitant fut demandé avec un ton de voix si candide, et, d’autre part, madame Raulet lui paraissait si respectable, que le jeune homme n’osa pas discuter. Il la regarda cependant avec une première défiance. Son aspect démentait toute idée d’exploitation de l’adultère. Elle portait une robe de nuance sombre, joliment coupée, mais toute simple. Sa montre passée dans sa ceinture était attachée à une de ces chaînes de cou, jadis très en faveur dans la bourgeoisie française, et qui lui venait certainement d’une mère adorée. Un médaillon renfermant sous verre une mèche de cheveux blancs, ceux d’un père chéri, sans nul doute, fermait son col modeste. Ses doigts longs passaient à travers des mitaines de soie qui laissaient deviner l’or de son alliance. Il est juste d’ajouter que cette veuve distinguée avait, outre le médecin, deux amants très jeunes : l’un, étudiant en droit, l’autre, employé dans un grand magasin de nouveautés, qui croyaient posséder en elle une femme du monde, surveillée par une famille implacable !