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Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/339

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avant la fermeture de la galerie, afin de revoir cette toile, parce que l’ange de droite, celui qui lève le voile, ah ! c’est elle, c’est tellement elle, tellement son regard, ce regard qui m’a fait la plaindre si souvent et pleurer sur sa misère, quand j’aurais dû la tuer… J’ai donc quitté Florence encore et je me suis abattu sur Pise, la ville morte dont j’avais déjà goûté la taciturne douceur. Elle m’avait tant plu, cette place où se dressent le dôme, le baptistère et le campanile, avec un mur de cimetière et un débris de rempart crénelé pour l’enclore ! Et cette plage du Gombo à deux heures, stérile et sablonneuse parmi les pins ! Et cet Arno jaunâtre, tout lent, tout lassé ! … Ma chambre donnait sur ce flot mélancolique, mais elle était pleine de soleil, chaude et claire, et j’étais arrivé là, muni d’un grand projet. La vieille maxime de ce Gœthe tant admiré jadis, m’était revenue : « Poésie, c’est délivrance… » — « Essayons, » m’étais-je dit, et je me promis de ne quitter Pise qu’après avoir transformé ma douleur en littérature. En faisant des bulles de savon avec mes anciennes larmes, peut-être oublierais-je d’en verser d’autres. Ces bulles de savon s’enflèrent en une nouvelle que j’intitulai Analyse. Mais vous l’avez lue sans doute dans la Revue parisienne. N’est-ce pas que je n’ai rien fait de mieux ? J’y ai tout mis, comme vous