Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/346

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jamais disparues, de tout un passé de fêtes à jamais envolé, a quelque chose d’étrangement mélancolique pour les rêveurs qui sentent leur vie s’en aller, comme toute vie, et le peu que dure la joie humaine. Bien souvent René avait éprouvé cette impression de vague tristesse ; il l’éprouva encore, malgré lui, au point de se hâter vers le foyer, s’attendant à y rencontrer force connaissances et à y distribuer force poignées de main. Mais il ne s’y trouvait que deux acteurs, en costumes de marquis du temps de Louis XIV, le chef chargé d’énormes perruques, les mollets pris dans des bas rouges, les pieds serrés dans des souliers à hauts talons. Ces deux personnages étaient engagés dans une discussion sur les affaires de l’État ; ils ne prirent pas garde au jeune homme qui put entendre l’un d’eux, long et jaune comme un pensionnaire rongé d’envie et de bile, dire à l’autre, rubicond et replet comme un chanoine du sociétariat :

— « Tout le malheur de notre pays vient de ce que l’on ne s’occupe pas assez de politique… »

— « Quel dommage que Larcher ne soit pas là ! » se dit René en écoutant cette phrase, et il s’imaginait la joie qu’elle eût causée à son ami, le « C’est énorme ! … » que Claude eût poussé, selon son habitude, en frappant des mains. Tout, d’ailleurs, dans ce coin de théâtre, contribuait à