Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/361

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j’ai dû entendre, ne serait-elle pas la première à me crier : viens lire mon amour sur mon visage ? Et puis je la verrai un quart d’heure seulement et je m’en irai, lavé de cette souillure… » — « Et le mari ? » — « Il faudrait bien que je le rencontre tôt ou tard, et puisqu’il n’est plus rien pour elle ! … » Madame Moraines n’avait pas manqué de servir à son amant préféré l’invraisemblable mensonge de toutes les maîtresses mariées, qui est quelquefois une vérité, — tant la femme est une créature impossible à jamais connaître, — comme le démontrent les comptes rendus des procès en séparation. René trouva dans la pensée de la délicatesse que Suzanne avait mise à prévenir ainsi jusqu’à ses plus inavouées, à ses moins légitimes jalousies, un prétexte de plus à maudire les calomniateurs de cette créature sublime. « La maîtresse de Desforges, cette femme-là ! Et pourquoi ? Pour de l’argent ? Quelle sottise ! Elle la fille d’un ministre et la femme d’un homme d’affaires ! Ce Claude ! Comment a-t-il pu ? … »

Tout ce tumulte d’idées s’apaisa par la nécessité d’agir, quand le jeune homme se trouva devant la porte du Gymnase. Il ne voulait à aucun prix que Suzanne l’aperçut. Il resta donc quelques minutes debout sur les marches, réfléchissant. L’acte venait de finir, car les spectateurs sortaient en foule. Cette circonstance