Aller au contenu

Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/366

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Quand il rentra rue Coëtlogon, ce trouble avait augmenté. On a dit souvent que nous ne garderions pas beaucoup d’amis si nous écoutions parler, quand nous n’y sommes pas, ceux à qui nous donnons ce titre. Il fait encore moins bon surprendre dans son naturel la femme que l’on aime. René venait d’en faire l’expérience, mais il était trop passionnément épris de Suzanne pour se rendre à cette première vision de la duplicité de sa madone.

— « Mais quoi ? » se dit-il lorsqu’il se réveilla le lendemain matin, et qu’il retrouva sur son oreiller sa sensation pénible, « elle était de bonne humeur hier au soir. Faut-il que je sois assez égoïste pour le lui reprocher ? Le baron Desforges se trouvait dans sa loge, quand elle m’avait dit qu’elle irait au théâtre en tête-à-tête avec son mari ? Elle me l’expliquera dans notre prochain rendez-vous. Son mari n’a pas la physionomie de son caractère ? Les physionomies sont si menteuses ! Ce Claude Larcher, m’a-t-il assez trompé, avec la câlinerie de ses gestes, avec sa figure ouverte, avec sa manière de me rendre des services et de paraître ne pas s’en souvenir ! … Et puis cette ignoble trahison ! … » Toute la cruauté des impressions ressenties la veille se transforma de nouveau en une rancune encore plus furieuse contre celui qui avait été, par son coupable bavardage,