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Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/377

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sur le visage, et, la prenant par la taille, — elle s’était levée nerveusement à cette brusque entrée :

— « Un baiser, » dit-il, et il l’embrassa ; « deux baisers, » et il l’embrassa de nouveau, « pour me récompenser d’avoir été sage…— Oui, » ajouta-t-il en réponse à une interrogation des yeux de Suzanne, « cette visite à madame Komof, que je devais depuis si longtemps… j’en arrive. Et sais-tu qui j’ai rencontré là ? … Devine ? … René Vincy, le jeune poète. Je ne comprends pas pourquoi Desforges l’a trouvé poseur. Mais il est charmant, ce garçon-là. Il me revient, à moi… Nous avons causé longtemps… Je lui ai dit que tu serais contente de le revoir. Ai-je bien fait ? »

— « Très bien fait, » répondit Suzanne ; « qui as-tu vu encore chez la comtesse ? »

Tandis que son mari lui égrenait un chapelet de noms familiers, elle pensait : « René est allé chez madame Komof. Pourquoi ? … » Depuis le début de leurs mystérieuses relations, c’était sa première sortie mondaine. Il avait si souvent redit à sa maîtresse : « Je voudrais n’avoir ici-bas que toi et mon travail… » Et cette visite, si en dehors de tout son programme de vie depuis des mois, il la lui avait cachée, à elle, au lieu que c’était son habitude tendre de l’avertir à l’avance de ses moindres mouvements. Et il avait