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Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/390

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phrases prononcées avec un certain regard et un certain tour de tête prévaudront toujours contre les pires défiances d’un amant épris, à moins qu’il n’ait vu des yeux de sa tête une preuve de la trahison— et encore ? … Mais ici les éléments dont se composait ce premier soupçon étaient si fragiles ! Et ce fut avec une bonne foi absolue que le jeune homme dit à sa maîtresse, elle-même véritablement ravie de ce résultat inespéré :

— « Non, je n’irai pas chez toi… J’étais fou de vouloir rien changer à notre amour. Nous sommes si heureux dans ce mystère… »

— « Oui, jusqu’à ce qu’un méchant te fasse douter de moi, » répondit-elle. « Promets-moi seulement de tout me dire. »

— « Je te le jure, mon amour » répliqua-t-il, « mais je te connais maintenant, et je suis sûr de moi. »

Il le disait et il le croyait. Suzanne le crut aussi ; et elle s’abandonna au charme de cette reprise de bonheur, en comprenant bien qu’elle aurait une seconde bataille à livrer, lors du retour de Claude. Mais ce dernier pouvait-il en dire plus qu’il n’en avait dit ? D’ailleurs elle serait prévenue de ce retour par René, et si la première entrevue des deux hommes n’aboutissait pas à une rupture définitive entre eux, il serait temps d’agir. Elle mettrait son amant en demeure de