Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/391

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briser avec Claude ou de cesser de la voir. Elle était d’avance sûre de la réponse. Le poète, lui, malgré ses protestations, se sentait sans doute moins maître de lui, car son cœur battit avec une émotion singulière lorsque sa sœur lui dit à brûle-pourpoint, une semaine environ après la scène avec Suzanne, et comme il rentrait de la Bibliothèque :

— « Claude Larcher est revenu… »

— « Et il a osé se présenter ici ? » s’écria René.

— « C’est moi qui l’ai reçu, » fit Émilie, et, visiblement embarrassée, elle ajouta : « Il m’a demandé quand il te trouverait ? »

— « Il fallait lui répondre : Jamais » interrompit le jeune homme.

— « René ! » répondit Émilie, « un si vieil ami et qui t’a été si bon, si dévoué, est-ce que je pouvais ? … J’aime mieux ne rien te cacher, » continua-t-elle, « je lui ai demandé ce qu’il y avait entre vous. Il m’a paru si étonné, oui, si douloureusement étonné… Non, cet homme-là n’a rien fait contre toi, René, je te le jure. C’est un malentendu… Je lui ai dit de venir demain matin, qu’il serait sûr de te trouver. »

— « De quoi te mêles-tu ? » reprit René avec emportement, « est-ce que je t’ai chargée de t’occuper de mes affaires ? »

— « Comme tu me parles ! » dit Émilie