Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/397

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

entre nous, n’est-ce pas ? Vous me permettrez donc de poser tous les points sur tous les i. Si j’ai bien compris, cette gredine de Colette vous a dit deux choses. Procédons par ordre… Voici la première : je lui aurais raconté que vous êtes l’amant de madame Moraines… Excusez-moi, » insista-t-il sur un geste du poète. « De vous à moi, et quand il s’agit de notre amitié, je me moque des solennelles conventions du monde qui défendent de nommer une femme. Je ne suis pas du monde, moi, et je la nomme… Première infamie. Colette vous a menti. Je lui avais dit ceci exactement, — je me rappelle ma phrase comme si c’était d’hier ; je regrettais mes paroles en les prononçant : — Je crois que le pauvre René devient amoureux de madame Moraines…— Je ne savais rien que votre émotion quand vous m’aviez parlé de cette femme. Mais Colette vous avait vu soupant à côté d’elle et très empressé. Nous avons plaisanté, comme on plaisante sur ces hypothèses-là, sans y attacher d’autre importance, moi du moins… C’est égal. Vous étiez mon ami. Votre sentiment pouvait être sérieux, il l’était. J’ai eu tort, et je vous en demande pardon, là, franchement, et malgré l’affront que vous venez de m’infliger, — sur la foi de la dernière des filles, à moi, votre meilleur, votre plus vieil ami. »