Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/400

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a menti, comme Colette. Elle a voulu nous brouiller, comme Colette. Ah ! Les scélérates ! Et j’étais là-bas, je mourais de douleur, et pas un mot de pitié parce qu’entre deux baisers cette drôlesse, pire que les autres, m’avait accusé d’une saleté ! … Oui, pire que les autres. Elles se vendent, pour du pain ; et celle-là, pourquoi ? Pour un peu de ce misérable luxe des parvenus d’aujourd’hui. »

— « Taisez-vous, Claude, taisez-vous, » dit René d’une voix terrible. « Vous me tuez. » Une tempête de sentiments s’était déchaînée en lui, soudaine, furieuse, indomptable. Il ne doutait pas que son ami ne fût sincère, et cette sincérité, jointe à l’accent de conviction avec lequel Claude avait parlé de Desforges, imposait au malheureux amant une vision de la fausseté de Suzanne, si douloureuse qu’il ne put pas la supporter. Il ne se possédait plus, et s’élançant sur son cruel interlocuteur, il le saisit par les revers de son veston et les lui secoua si fort qu’un parement de l’habit se déchira : « Quand on vient affirmer des choses pareilles à un homme sur la femme qu’il aime, on lui en donne des preuves, entendez-vous, des preuves, des preuves… »

— « Vous êtes fou, » repartit Claude en se dégageant, « des preuves, mais tout Paris vous en donnera, mon pauvre enfant ! Ce n’est pas