Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/399

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peine depuis que Claude avait commencé de parler de Suzanne en de pareils termes, « vous croyez aux infamies que Colette m’a rapportées sur madame Moraines et le baron Desforges ? »

— « Si j’y crois ? » répondit Larcher en regardant son ami avec étonnement. « Suis-je donc un homme à inventer une histoire comme celle-là sur une femme ? »

— « Lorsqu’on a fait la cour à cette femme, » dit le poète en prononçant ces mots très lentement, et leur donnant l’intonation du plus pur mépris, « et qu’elle vous a repoussé, c’est bien le moins pourtant qu’on la respecte ! … »

— « Moi ! » s’écria Claude, « moi ! j’ai fait la cour à madame Moraines ! Moi ! moi ! moi ! … Je comprends, elle vous l’a dit… » Il éclata de son rire nerveux… « Quand nous racontons de ces traits-là dans nos pièces, on nous accuse de les calomnier, les gueuses ! Les calomnier ! Comme si c’était possible ! Toutes les mêmes. Et vous l’avez crue ! … Vous avez cru de moi, Claude Larcher, cette vilenie que je déshonorais une honnête femme, par vengeance d’amour-propre blessé ? Voyons, René, regardez-moi bien en face. Est-ce que j’ai la figure d’un hypocrite ? Est-ce que vous m’avez jamais connu tel ? Vous ai-je prouvé que je vous aimais ? Hé bien ! Je vous donne ma parole d’honneur que celle-là vous