Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/402

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ordonne de nous taire sur ces femmes-là, comme si l’honneur véritable ne consisterait pas à dénoncer au monde entier leur infamie. On épargnerait tant d’autres victimes ! … Des preuves ? Vous voulez des preuves. Mais cherchez-en vous-même. Je ne connais que deux moyens pour savoir les secrets d’une femme : ouvrir ses lettres ou la faire suivre. Soyez tranquille, madame Moraines n’écrit jamais… Faites-la filer… »

— « Mais c’est ignoble ce que vous me conseillez là ! » s’écria le poète.

— « Il n’y a rien de noble ou d’ignoble en amour, » répliqua Larcher. « Moi qui vous parle, je l’ai bien fait. Oui, j’ai mis des agents aux trousses de Colette ! … Une liaison avec une coquine, mais c’est la guerre au couteau, et vous regardez si le vôtre est propre… »

— « Non, non, » répondit René en secouant la tête, « je ne peux pas. »

— « Alors, suivez-la vous-même ! » continua l’implacable logicien, « je connais mon Desforges. C’est quelqu’un, ne vous y trompez pas. Je l’ai pioché autrefois, quand je croyais encore à cette sottise, l’observation, pour avoir du talent. Cet homme est un étonnant mélange d’ordre et de désordre, de libertinage et d’hygiène. Leurs rendez-vous doivent être réglés, comme tout dans sa vie : une fois par semaine et à