Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/443

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qu’elle n’éprouvât plus qu’un désappointement, une réelle douleur. Que l’étrange accueil d’Émilie s’expliquât ou non par des indiscrétions de René, elle ne se le demandait même pas. Elle se disait : « Il ne veut plus me revoir ; » et cette idée lui perçait le cœur. Quand elle fut dans la rue, elle se retourna pour jeter un coup d’œil sur la fenêtre de cette chambre où elle s’était donnée à son amant, pour la première fois. Cette première fois, elle s’était, en s’en allant, retournée de même, et elle avait pu le voir, lui, debout derrière le rideau à moitié relevé. Ne se remettrait-il pas à cette place, pour la regarder partir, quand sa sœur lui aurait dit qui venait de sonner à la porte ? Elle attendit cinq minutes, debout sur ce coin de trottoir, et ce lui fut comme un nouveau malheur que ces rideaux demeurassent baissés. Elle monta dans son coupé, en proie à toutes les agitations d’une femme qui aime véritablement et qui change de projet à chaque seconde. Après des débats infinis avec elle-même, elle se décida, elle qui n’écrivait jamais, à écrire au poète le billet suivant :

      • * *

Samedi, cinq heures.

Je suis allée rue Coëtlogon, René, et votre sœur m’a dit que vous étiez en voyage. Mais je