Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/444

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sais que ce n’est pas vrai. Vous étiez là, à deux pas de moi, qui ne vouliez pas me recevoir, dans cette chambre dont chaque meuble devrait pourtant vous rappeler une heure où vous ne pouvez pas douter que j’aie été sincère. Quelle raison avais-je de vous mentir alors ? Je vous en supplie, voyez-moi, ne fût-ce qu’une minute. Venez lire dans mes yeux ce dont vous m’aviez juré de ne plus douter, que vous êtes mon tout, ma vie, mon ciel. Depuis hier soir, je ne vis plus. Vos horribles paroles me résonnent toujours dans les oreilles. Non, ce n’est pas vous qui les avez prononcées. Où auriez-vous pris tant d’amertume, presque de haine ? … Ah ! Comment avez-vous pu me condamner ainsi sans m’entendre, sur la foi d’un soupçon dont vous aurez honte, quand je vous en aurai fait toucher au doigt la misère ? Oui, je devrais vous en vouloir, être indignée contre vous, mais je n’ai dans le cœur que tendresse pour toi, mon René, que désir d’effacer de ton âme tout ce que les ennemis de notre bonheur ont pu y graver. Cette démarche, si contraire à ce qu’une femme se doit à elle-même, je m’étais tant réjouie de la faire, tu ne pouvais pas douter du sentiment qui me l’inspirait. Ne me réponds pas. Je sens, même en t’écrivant, combien une lettre est impuissante à montrer le cœur. Je t’attendrai après-demain