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Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/458

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en mourir, cette lâcheté est une solution. Moi, je l’ai prise. Saoulez-vous de cette femme. Votre amour ou vous, vous y resterez. Nous allons bien au mauvais lieu quand la luxure nous démange. Suzanne sera votre mauvais lieu, comme Colette est le mien… Seulement, rappelez-vous ce que je vous aurai dit ce soir : c’est la fin de tout… Du talent ? je n’en ai plus… De l’honneur ? où le placerais-je maintenant que j’ai pardonné ce que j’ai pardonné ? … Ah ! » conclut-il avec un accent déchirant, « vous êtes encore à temps de vous sauver. Vous êtes en haut de l’escalier qui mène à l’égoût, entendez le cri d’un malheureux qui est en bas et qui en a jusqu’aux épaules… Et maintenant, adieu, si vous voulez ne pas voir Colette… Pourquoi vous a-t-elle dit ce qu’elle vous a dit ? … Vous ne saviez rien, et quand on ne sait rien, c’est comme si ce n’était pas… Encore adieu, aimez-moi, René, et plaignez-moi. »

— « Non, » se disait le poète en rentrant chez lui, « je ne descendrai pas dans cette fange… » Pour la première fois peut-être, depuis qu’il assistait, en témoin attristé, aux douloureuses amours de Claude, il comprenait vraiment de quel mal son misérable ami était atteint. Il venait de découvrir, chez lui même, la monstruosité sentimentale qui dégradait l’amant de Colette : l’union du plus entier mépris et du plus passionné