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Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/461

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réalité il attendait, — il n’aurait su dire quoi. Mais il sentait que cette passion était trop ardente pour s’éteindre de la sorte. Une rencontre aurait lieu entre Suzanne et lui. Comment ? Où ? Qu’importait, elle aurait lieu. Il ne s’avouait pas cette lâche et secrète espérance. Mais elle était si bien en lui qu’il ne quittait plus son logement de la rue Coëtlogon, toujours prêt à recevoir une nouvelle lettre, à se voir l’occasion d’une démarche suprême. La lettre n’arrivait pas. Aucune démarche n’était tentée, et il se mangeait le cœur. Quelquefois ce désir de se retrouver en face de Suzanne, qu’il subissait sans l’admettre, s’exaspérait au point de le jeter subitement à sa table, et là, il écrivait à l’adresse de cette infâme des pages de l’amour le plus effréné. Sa rage intérieure se donnait carrière en des lignes folles où il l’insultait et l’idolâtrait, où il entremêlait les mots de tendresse aux paroles de haine. C’est alors que les lamentations de Claude retentissaient de nouveau dans son souvenir, et il lacérait ce papier, confident de la plainte insensée qu’il étouffait en lui. Il se couchait sur des idées de désespoir, pensant à la mort comme au seul bienfait qu’il pût désirer maintenant. Il se levait sur des idées pareilles. L’éclat du jour, si radieux dans ce renouveau de toute la nature, lui était intolérable, et le poète