Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/465

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mots si simplement tendres, la vue de ces murs, l’idée que Suzanne était venue là, sans espérance de l’y revoir, comme en pèlerinage vers les heures passées, tout contribuait à le jeter dans un état de sensibilité folle, qu’il combattait vainement. « Son aimé ! » se redit-il soudain avec fureur, « et elle se donnait à l’autre pour de l’argent ! … Que je suis lâche ! … » Pour échapper au frisson de regret qui l’envahissait dans cette solitude, il sortit de la pièce brusquement, et il alla sonner à la porte de madame Raulet. Le mielleux visage de la logeuse d’amour apparut dans l’entre-bâillement de cette porte. Elle fit entrer le jeune homme dans son petit salon à elle, garni avec le reste des meubles qu’elle n’avait pu disposer dans l’autre. Quand il lui annonça qu’il quittait l’appartement pour toujours, sa physionomie trahit une contrariété non jouée :

— « Mais la petite note n’est pas prête… » répondit-elle.

— « J’ai tout le temps, » reprit René. Il ajouta, craignant de subir dans la chambre d’où il sortait un nouvel assaut de désespoir : « Si je ne vous dérange pas, j’attendrai ici… »

Quoiqu’il ne fût guère en humeur d’observation, il ne put s’empêcher de remarquer que, durant les vingt minutes qu’il passa ainsi à l’attendre,