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Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/47

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sans cesse la conversation sur ses maladies imaginaires.

— « Il fait très froid ce soir, » fut son premier mot, et tout de suite, s’adressant à sa femme : « Adélaïde, as-tu de la teinture d’iode à la maison ? Je suis sûr que j’aurai ma crise de rhumatismes demain matin. »

— « Votre voiture est-elle chauffée ? » dit Émilie à Claude, sur cette exclamation.

— « Oui, Madame, » fit l’écrivain, et, consultant sa montre : « Il faut même la gagner, cette voiture, si nous ne voulons pas être en retard… » Tandis qu’il prenait congé de tout le petit cercle, et qu’Émilie le reconduisait, René avait disparu de son côté, sans serrer la main à personne, par la porte qui donnait de la salle à manger dans sa chambre. « Il est sans doute allé prendre son pardessus, il va revenir, » pensait Rosalie ; « il n’est pas possible qu’il parte sans me dire adieu, d’autant plus qu’il ne m’a pas regardée de tout ce soir. » Et elle continuait son ouvrage tandis que Fresneau accueillait le sous-chef de bureau avec la même offre qu’il avait eue pour son ami :

— « Un petit verre pour chasser ce froid ? »

— « Une larme, » fit l’employé.

— « À la bonne heure, » reprit le professeur, « vous n’êtes pas comme Larcher, qui a méprisé mon eau-de-vie. »