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Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/479

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ferait suivre. Il saurait qu’à chaque visite à la maison de la prétendue amie, elle se rencontrait avec Desforges, et ce serait à recommencer ? À quoi bon continuer de mentir, alors ? Et puis, elle en avait assez de tant de tromperies. Maintenant que la plus sincère des passions grondait dans son cœur, elle éprouvait le besoin de dire à son amant la vérité, toute la vérité, mais, en la lui disant, de lui crier aussi cette passion, et, cette fois, il faudrait bien qu’il entendît ce cri suprême, et qu’il y crût. Et, comme hors d’elle : « C’est vrai, » dit-elle, « je te mentais… tu veux tout savoir, tu sauras tout… » Elle s’arrêta une minute, et passa les mains sur son visage, avec égarement… Hé bien ! Non ! Elle se sentait incapable de se confesser ainsi… Il la mépriserait trop, et, imaginant, à mesure qu’elle parlait, une espèce de compromis incohérent entre son besoin de sincérité et l’épouvante que René la prît en dégoût, elle continuait : « C’est une affreuse histoire, vois-tu… Mon père mort… Des lettres à racheter avec lesquelles des misérables pouvaient salir sa mémoire… Il fallait de l’argent, beaucoup… Je n’avais rien… Mon mari me repoussait… Alors, cet homme… J’ai perdu la tête, et puis il m’a tenue, il me tient par ce secret ! … Ah ! ne sens-tu pas que je ne t’ai menti que pour t’avoir, que pour te garder ? … »