Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/481

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m’aimez. Je suis libre et vous êtes libre aussi, puisque vous n’avez pas d’enfants. Je suis prêt, moi, à tout quitter pour vous, et je viens vous demander si vous êtes prête à en faire autant. Nous irons ensemble où vous voudrez : en Italie, en Angleterre, dans un pays où nous soyons sûrs de ne rien retrouver de ce qui fut votre vie d’autrefois. Et cet autrefois, je l’abolirai. J’en trouverai la force dans ma croyance en votre cœur, après ce que vous aurez fait. Je me dirai : — Elle ne me connaissait pas, et, du jour où elle m’a connu, rien n’a plus existé pour elle que son amour.— Mais d’accepter cet abject partage, que vous m’arriviez au sortir des bras de cet homme et salie par ses baisers ; ou bien, si vous rompez avec lui, d’être là, misérable, à me défier de cette rupture, à jouer auprès de vous ce rôle avilissant d’espion que j’ai joué une fois déjà ? … Non, Suzanne, ne me le demandez pas. Nous en sommes venus au point où nous devons être l’un pour l’autre ou tout ou rien, des amants qui trouvent dans leur amour de quoi se faire une famille, une patrie, un monde, ou des étrangers qui ne se connaissent plus.— À vous de choisir… »

Il avait parlé avec l’énergie concentrée d’un homme qui s’est pris la main et qui s’est fait le serment d’aller jusqu’au bout de sa volonté. Si