Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/485

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mais immobile et baissant la tête : « Non, je ne peux pas… »

— « Alors, accepte ce que je t’ai offert, » dit René, « il en est temps encore… Fuyons ensemble… »

— « Non, » reprit-elle d’un air plus sombre. « Non, je ne peux pas non plus… Vois, il me serait si facile de te promettre et de ne pas tenir ! … Mais j’ai trop menti… » Elle s’était levée. La crise de nerfs qu’elle venait de traverser avait sa réaction, et elle répéta d’une voix épuisée : « Je ne peux pas non plus… Je ne peux pas… »

— « Et que voulais-tu donc de moi ? » s’écria-t-il avec un accent furieux, « Pourquoi te traînais-tu à mes pieds tout à l’heure ? Un laquais de plaisir, voilà ce que je serais pour toi ? … Un jeune homme chez qui tu irais te débarbouiller des caresses du vieux ! … Ah ! … » et, la colère l’emportant, à la brutalité du langage il joignit celle du geste, et il marcha sur elle, le poing levé, avec un visage si terrible qu’elle crut qu’il allait la tuer. Elle reculait, livide d’épouvante, les mains tendues.

— « Pardon, pardon, » disait-elle éperdue. « Ne me fais pas mal, ne me fais pas mal ! »

Elle s’abrita ainsi derrière une table sur laquelle se trouvait, parmi d’autres menus objets, une photographie du baron dans un cadre de velours.