Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/489

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bout de ses pieds chaussés de bas d’une soie rose comme celle de la robe, elle remuait, en se balançant, des mules marocaines, garnies, elles aussi, de broderies. Le fumoir, celui-là même où avait eu lieu la scène de la lettre, était rempli de fleurs. Aux murs se voyaient toutes sortes de souvenirs qui se rapportaient à la carrière de l’artiste : des aquarelles représentant des intérieurs de loges, des tambourins de cotillon, des photographies et des couronnes. Un chat très petit, un angora blanc, dont un œil était bleu, l’autre noir, jouait avec une balle, renversé sur le dos, tandis que Colette continuait de se balancer, tantôt souriant à Claude à travers les bouffées d’une cigarette russe, tantôt lisant un journal qu’elle tenait à la main, et elle fredonnait une adorable romance de Richepin, récemment mise en musique par un étrange compositeur du nom de Cabaner :

« Un mois s’ensauve, un autre arrive.
Le temps court comme un lévrier… »

— « Mon Dieu ! » songeait l’écrivain en écoutant ces couplets du seul poète de notre âge qui ait su rivaliser de grâce avec les divines chansons populaires, « ces vers sont bien beaux, le ciel est bien bleu, ma maîtresse est bien jolie… Au diable l’analyse ! … »