Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/490

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La jeune femme interrompit cette calme rêverie d’amant heureux, en jetant un léger cri. Elle s’était levée de son fauteuil, tenant le journal dans sa main qui tremblait. Après avoir examiné, suivant son habitude, la troisième page, celle où se trouvent les nouvelles de théâtre, elle avait passé à la seconde, puis à la première, et ce qu’elle venait d’y lire l’avait bouleversée, car elle balbutiait, en tendant la feuille à Claude :

— « C’est trop horrible ! … »

Claude, épouvanté lui-même par cette agitation fébrile et soudaine, saisit le journal, et il y lut, sous la rubrique : Échos de Paris :

« On nous apporte, au moment de mettre sous presse, une nouvelle qui affectera profondément le monde littéraire. M. René Vincy, l’auteur applaudi du Sigisbée, vient d’attenter à ses jours dans son appartement de la rue Coëtlogon. M. René Vincy s’est tiré un coup de pistolet dans la région du cœur. Hâtons-nous de dire, pour rassurer les nombreux admirateurs du jeune poète, que cette tentative n’aura pas de suites fatales. Notre sympathique confrère s’est en effet grièvement blessé, mais la balle a pu être extraite, et les nouvelles sont des plus rassurantes.

« On se perd en conjectures sur le mobile de cet acte de désespoir. »