Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/49

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entouré d’une cour d’adoratrices, et qu’il a trouvé un moyen sûr de faire un succès aux moindres pages qui sortent de sa plume. Il fait tirer ses épreuves à des dizaines d’exemplaires qu’il porte chez chacune des dames qu’il connaît. On les étale sur un canapé et alors : Mon petit Larcher par-ci, mon petit Larcher par-là, vous changerez ce mot, vous enlèverez cette phrase… et il change le mot, et il enlève la phrase, et ces dames s’imaginent qu’elles sont un peu les auteurs de ce qu’il a écrit… »

— « Ça ne m’étonne pas, » dit madame Offarel, « il m’a tout l’air d’un fier intrigant. »

— « Ma foi, » reprit Fresneau, « je n’aime guère sa littérature, mais pour intrigant c’est une autre histoire ! Il n’y a pas plus enfant que lui, ma pauvre madame Offarel. Quand je vois dans les journaux qu’il connaît le cœur des femmes… ce que je m’amuse ! Je l’ai toujours vu amoureux des pires drôlesses, qu’il prenait consciencieusement pour des anges, et qui le trompaient, qui le lanternaient ! … René nous racontait l’autre jour qu’il passe toutes ses journées à se faire moquer de lui par cette petite Colette Rigaud, qui joue dans le Sigisbée, une farceuse qui lui grugera jusqu’à son dernier sou… »

— « Chut ! » fit Émilie, qui rentra juste à temps pour entendre la fin de ce petit discours,