Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/84

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vers, » reprit madame Hurault, « cela me faisait l’effet d’une musique déjà entendue. » Puis, son épigramme une fois lancée, elle se souvint que dans beaucoup de jeunes poètes dort un feuilletoniste futur, et elle corrigea la phrase où venait d’éclater sa cruelle envie de femme de confrère par une invitation : — « J’espère vous voir chez moi, Monsieur ; mon mari, qui n’est pas là, fera votre connaissance avec un grand plaisir, je suis toujours à la maison le jeudi, de cinq à sept. »

— « Mme Éthorel, M. Vincy, » disait madame de Sermoises en présentant de nouveau René, mais cette fois à une très jeune et très jolie femme, toute brune avec une douce pâleur ambrée sur son visage, de grands yeux de velours et une délicatesse presque fragile qui contrastait avec sa voix, presque grave.

— « Ah ! Monsieur, » commença-t-elle, « que vous savez parler au cœur ! J’aime surtout ce sonnet que Lorenzo récite à un moment… voyons… Le fantôme de l’ancienne année… »

— « Le spectre d’une ancienne année… » fit René, rectifiant, malgré lui, le vers que la jolie bouche citait à faux, et, avec un pédantisme inconscient, il dissimula un sourire, car c’était, ce morceau, deux strophes de six vers chacune et qui n’offraient ni de loin ni de près aucun rapport avec un sonnet.