Aller au contenu

Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/95

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pièce, lui dit simplement, prolongeant avec lui la conversation qu’elle venait d’avoir avec son voisin :

— « Nous causions avec M. Crucé du talent que M. Perrin déploie dans la mise en scène. Vous souvenez-vous, monsieur, du décor du Sphinx ? … »

Elle parlait avec une voix douce, légèrement voilée et qui ressemblait à sa nuance de beauté, indéfinissable attrait qui achève de rendre le charme d’une femme irrésistible pour ceux qui le subissent. René se sentit enveloppé par cette voix, comme par le parfum qu’il respirait davantage encore, maintenant qu’elle s’était tournée vers lui. Il lui fallut un effort pour répondre, tant cette sensation l’envahissait. Madame Moraines vit-elle son trouble ? En fut-elle flattée comme toute femme est flattée de recevoir cet hommage d’une timidité qui ne peut pas se dissimuler ? Toujours est-il qu’elle sut l’art de franchir ces premières étapes de la conversation, si difficiles entre une femme du monde et un admirateur effarouché, avec tant de grâce qu’après dix minutes René lui parlait presque en confiance, exposant, avec une certaine éloquence naturelle, ses idées à lui sur le théâtre. Il se confondait en éloges passionnés des représentations organisées par Richard Wagner à Bayreuth, telles que ses