Aller au contenu

Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/94

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

L’opoponax alors chanta dans l’ombre douce
L’histoire des baisers que nous n’aurons pas eus…

Invinciblement, le naïf désir qu’il avait exprimé à Claude Larcher, tandis que la voiture les emportait, celui d’être aimé d’une femme pareille à celle dont il entendait à cet instant le joli rire, le mordit au cœur de nouveau. Ah ! Mirage ! Mirage ! Cette heure allait passer, sans qu’il échangeât même un mot avec cette créature de rêve, plus éloignée de lui que s’il en eût été séparé par mille lieues. Savait-elle seulement qu’il existât ? Et, à la minute même où il se formulait cette triste certitude, il sentit son cœur battre plus vite. Madame Komof, revenue à elle après son exaltation du début du souper, avait sans doute aperçu la détresse peinte sur le visage du jeune homme ; d’un bout de la table à l’autre, elle jeta cette phrase au vicomte de Brèves : « Voulez-vous me rendre le service de présenter M. Vincy à sa voisine ? » René vit les beaux yeux bleus se tourner vers lui, la tête blonde s’incliner et un sourire de sympathie se dessiner sur cette bouche qu’il venait de comparer en pensée à une fleur, tant elle était fraîche, pure et rouge. Il attendait de madame Moraines le compliment banal dont il avait été comme écrasé toute la soirée, et il eut la surprise que la jeune femme, au lieu de l’entretenir aussitôt de sa