Page:Bourget - Un homme d’affaires - Dualité - Un Réveillon - L’outragé, Plon, 1900.djvu/109

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intensité avait séché ses pleurs, elle se leva, elle vint au bureau posé dans un coin de la chambre où elle s’était si souvent assise pour écrire à ses amies des lettres, heureuses et confiantes, comme elle n’en écrirait plus jamais. Là, sur un petit paravent, à portée de sa vue, étaient suspendus, dans des cadres de cuir, d’argent ciselé, de vieille étoffe, les portraits des personnes qu’elle aimait. Elle en détacha un, parmi les autres, d’une main qui tremblait. C’était celui de San Giobbe, — un San Giobbe encore tout voisin de la jeunesse, avant la meurtrière épreuve de sa maladie et de son dépérissement. Elle vint se placer, cette photographie à la main, devant la glace, et, dans le reflet du miroir, trouble et comme fantomatique à cause du demi-éclairage de la chambre, elle se prit à regarder son propre visage, tour à tour, et celui de l’intime de sa mère, du familier de la maison, de l’ami qu’elle retrouvait dans sa mémoire associé à chacune des scènes de son existence. Des milliers d’impressions confuses qui dormaient en elle achevaient de se démêler à mesure qu’elle constatait l’étonnante ressemblance de ses yeux, de son front, de