Page:Bourget - Un homme d’affaires - Dualité - Un Réveillon - L’outragé, Plon, 1900.djvu/130

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souffle court, au pas de qui elle ralentissait son pas, dont elle mesurait ainsi presque mécaniquement la faiblesse, c’était son père. Elle subissait cette appréhension de l’accident qui se développe jusqu’à devenir une véritable phobie chez ceux qui soignent des personnes atteintes de troubles au cœur. Ce fut cette pitié qui l’emporta en elle, et qui lui donna la force d’éviter à cet organisme épuisé une secousse qui l’eût achevé, là, peut-être devant elle. — « Ainsi, » commença San Giobbe, rompant le premier le silence, « tu as changé d’idée depuis hier. Ta mère me l’a dit… Et sais-tu ce que je lui ai répondu ?… Que je n’y croyais pas… » — « C’est cependant très vrai, je vous assure, » répondit-elle, en évitant le regard dont l’enveloppait son compagnon de promenade. Un autre petit détail lui faisait mal. Devant le monde, San Giobbe lui disait « vous » depuis qu’elle était une grande personne. En tête à tête, ou quand la mère seule était là, il continuait de la tutoyer. Cette innocente privauté, qu’elle avait trouvée toute naturelle de la part d’un vieil ami, la froissait durant cette minute à