Page:Bourget - Un homme d’affaires - Dualité - Un Réveillon - L’outragé, Plon, 1900.djvu/137

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épiant les traces de sa décision prochaine sur son visage, — où ils ne liraient rien. Au lieu de cela, Mme Nortier, assise, comme la veille, sur la soie à raies roses et blanches de la chaise longue en trois morceaux, s’occupait à relever, de la pointe du crochet, les dernières mailles du gilet destiné à San Giobbe. Ce dernier avait posé sur la table un fascicule de revue qu’il était en train de couper, quand, le bruit des roues au dehors avait annoncé l’approche de la voiture. Ce petit geste trahissait bien, ainsi que la physionomie de la mère, un peu de nervosité, mais qui n’avait rien de commun avec les prévisions du nouveau venu. Jouaient-ils un rôle concerté, ou réellement Béatrice avait-elle eu la force de se dominer assez pour que ni l’un ni l’autre n’eussent rien deviné ? Les premiers mots que prononça Mme Nortier devaient, en révélant au bourreau l’héroïque silence de sa victime, lui produire une impression, non pas de pitié, — cette âme de proie, et encore durcie par la rancune, n’en était plus capable, — mais d’étonnement et, si l’on peut employer un pareil mot pour un pareil homme, de respect. La force seule impose