Page:Bourget - Un homme d’affaires - Dualité - Un Réveillon - L’outragé, Plon, 1900.djvu/169

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rappelle, et je disposais sur une table plus large que j’avais demandée à l’obligeante Lyonnaise - la table de la sacro-sainte « copie » - mon papier, mon encrier, ma plume et les quelques volumes qui ne me quittent guère ; les Mémoires de Gœthe, un Marc-Aurèle, un tome de Le Play, un de Balzac, un de Stendhal, un de Taine. — « Quelle chance, » me disais-je à mi-voix, « qu’il n’y ait qu’une de nos compatriotes ici, et que ce ne soit pas une donneuse de dîners à prétentions littéraires ! Ces choses arrivent cependant. Cette fois, je suis à l’abri… » Je répétai tout haut avec un délice inexprimable ce mot magique : « à l’abri… » et je m’hypnotisai à regarder le jour qui finissait de s’éteindre sur le golfe silencieux. A ma droite, la ligne naissante du cap de Porto-Fino, haute, sombre et semée de villas claires parmi les feuillages déjà fondus, se profilait sur un horizon couleur de safran, avec des dégradations de nuances qui du jaune tendre passaient presque au vert. A ma gauche, se développait cette magnifique courbe du rivage, qui par Chiavari descend jusqu’à la pointe de Sestri