Page:Bourget - Un homme d’affaires - Dualité - Un Réveillon - L’outragé, Plon, 1900.djvu/170

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Levante. Entre les deux, sous un ciel d’un bleu qui se fonçait jusqu’au noir, la mer s’étalait calme, à peine onduleuse, avec des tons de nacre glacée. Il courait dans l’atmosphère juste assez de brise pour enfler les voiles d’une barque de pêcheurs que je voyais s’approcher du petit port en s’aidant des rames. Quatre gros bateaux à l’ancre, à forme basse et renflée de felouques barbaresques, découpaient leurs agrès noirs dans cet air immobile. Plus près de moi, les citrons couleur d’or pâle et les oranges couleur d’or rouge brillaient dans les branches des arbustes du jardin, et dans la ruelle voisine je pouvais voir, tant cette fin d’après-midi de janvier était douce, des femmes de Rapallo qui travaillaient à leur dentelle, assises devant leur porte, et un vieux cordier tresser une corde. Le chanvre enroulé autour de sa taille et l’extrémité de la corde fixée à un poteau, il allait, à reculons, d’un pas lent, ses doigts agiles occupés à natter les fibres informes. Ce dernier détail, en me ravissant par son pittoresque, acheva de me jeter dans un état de rêverie philosophique dont je retrouve la trace sur la page de journal où j’ai consigné