Page:Bourget - Un homme d’affaires - Dualité - Un Réveillon - L’outragé, Plon, 1900.djvu/183

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trompé. De se retrouver face à face avec un témoin de son existence parisienne la jetait dans un trouble extraordinaire. Je pouvais mesurer son énervement à l’agitation de ses belles mains, dont elle avait retiré ses rubis, fameux dans le monde galant, qui lui venaient d’un des frères Mosé. De ses doigts souples, elle déchiquetait un morceau de pain, placé sur la nappe à côté d’elle, et dont plus rien ne resta bientôt qu’un amas de miettes. Deux ronds de pourpre enfiévraient ses joues. A de certaines minutes ses paupières se baissaient sur ses prunelles anxieuses, comme si elle eut voulu en rafraîchir la brûlure. Elle était vraiment divine ainsi, en proie à une émotion que j’expliquais maintenant par une nouvelle hypothèse. J avais attribué d’abord son incognito à la nécessité de se cacher du protecteur sérieux, quel qu’il fût, celui que ces dames appellent gaiement leur « combinaison financière ». Peut-être cachait-elle la véritable identité de « Tendresse et Malines » à quelqu’un d’autre, à cet enfant par exemple, dont j’étudiais dans une glace le profil perdu. Quoiqu’elle conservât une physionomie ravissante de fraîcheur et de finesse, Mme