Page:Bourget - Un homme d’affaires - Dualité - Un Réveillon - L’outragé, Plon, 1900.djvu/182

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n’était pas moins naturel que, retirée sous un faux nom dans cet hôtel de mœurs bourgeoises, elle ne se souciât pas de m’autoriser à la saluer. Le fait est que sa jolie tête ne s’inclina même pas de cet imperceptible mouvement où une femme sait empreindre tant de choses, depuis une invite à lui parler jusqu’à une défense de l’approcher. Visiblement, elle voulait garder un absolu incognito. La présence du charmant jeune bomme assis en face d’elle m’en donnait un trop excusable motif. Je ne doutai pas un instant que la capricieuse et folle fille ne fût simplement en bonne fortune avec quelque amoureux qu’elle cachait à son protecteur sérieux. Il me sembla pourtant qu’au moment où nos yeux s’étaient croisés elle avait eu dans les siens une expression singulière. Ils auraient dû, n’est-ce pas ? traduire, malgré tout, dans leur volontaire silence, la spirituelle malice d’une galante escapade. J’y avais nettement distingué, au contraire, une angoisse, une terreur et, pour un peu, une supplication ; et il me suffit d’observer la pauvre femme, durant la petite heure que dura ce dîner d’hôtel, pour me convaincre que je ne m’étais pas