Page:Bourget - Un homme d’affaires - Dualité - Un Réveillon - L’outragé, Plon, 1900.djvu/194

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Ah ! taisez-vous, » interrompit-elle, d’un accent plus étouffé encore, en me prenant le bras, qu’elle me serra de toute sa force. « Vous ne savez pas à quoi vous touchez… » — « Comment ? « dis-je, et sans raillerie cette fois : « Vous n’êtes pas heureuse ?… Il ne vous aime pas ?… » — « Taisez-vous, par pitié, » répéta-t-elle, " taisez-vous ! » Puis, lâchant mon bras : « C’est tout naturel. Vous ne savez pas. Vous le prenez pour mon amant… » Et, avec une voix que j’entends encore, elle ajouta : « C’est mon fils… »

Cette phrase, tombée entre nous deux, si simplement, si brusquement, fut suivie du silence douloureux dont s’accompagnent certains aveux, solennels à force d être irréparables. Je ne doutai pas un instant que Blanche ne me dît la vérité. Pourquoi m’eût-elle menti ? D’ailleurs, certains accents, certains mots aussi, ne peuvent pas mentir. Ce que Vernantes m’avait raconté sur cette étrange fille, sur ses soudaines reprises de délicatesse et de bonté dans l’existence la plus contraire à ces vertus, sur