Page:Bourget - Un homme d’affaires - Dualité - Un Réveillon - L’outragé, Plon, 1900.djvu/276

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est-il que, pendant le trajet, ils n’avaient pas échangé dix mots et qu’ils s’étaient quittés devant la porte de la maison meublée, comme nous nous quittions, Irma et moi-même, sans la moindre promesse de se revoir et en se touchant seulement la main. L’issue vertueuse de notre équipée nocturne m’était alors apparue, à mesure que nous remontions, à pied maintenant, vers le boulevard de Port-Royal, comme un peu ridicule, mais encore plus énigmatique. J’étais à l’âge où, n’ayant pas encore souffert vraiment, on ne craint pas de satisfaire à tout prix sa curiosité, quitte à meurtrir le cœur d’autrui par de directes inquisitions. Je n’eus pas plus tôt redit à Charles, avec la gaucherie brutale de la jeunesse, l’hypothèse de la malicieuse Irma, que je le vis s arrêter ; il me prit le bras, et me le serrant avec force : — « Vous ne l’avez pas crue, n’est-ce pas ? » me demanda-t-il avec une véritable angoisse ; « vous n’avez pas pensé de moi que j’étais capable d’une telle infamie, et envers qui !… » — « Je ne crois rien, » lui répondis-je, sinon que je vous ai fait de la peine sans le savoir et que je vous en demande pardon… » — « Non, »