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II

Les voleurs de fleurs, qui faisaient l’objet constant de la pensée du père Bonnet, surtout au lendemain du 2 novembre, auraient enlevé par brassées toutes les roses, toutes les violettes et tous les chrysanthèmes épars sur les tombes, que Michel Gontier ne les aurait même pas vus, tant la réponse, en apparence si insignifiante, du gardien à sa question l’avait touché à un point douloureux de son être le plus intime. Son subit départ dans l’allée, loin, bien loin de l’angle du cimetière où reposait Jules Bérion, avait été ce sursaut en arrière, cette fuite incontrôlable, presque animale, que connaissent trop ceux qui ont, comme lui, subi des années durant le lancinement d’une idée fixe et secrète. Ils ont mal à en crier, quand une rencontre, — moins que cela, une phrase, — moins que cela, un nom, écorche en eux ce point caché de leur âme,