Page:Bourget - Un homme d’affaires - Dualité - Un Réveillon - L’outragé, Plon, 1900.djvu/303

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l’outrage lui était entré si avant dans l’âme, l’image de la beauté de Jeanne, de ses yeux, de sa bouche, de ses baisers, associée à l’idée de l’autre, le torturait d’une si intense brûlure, qu’il se souvenait d’avoir éprouvé là, à cette heure du départ, un transport de rage, un frénétique désir de revenir, de les prendre tous deux, elle et lui, entre ses mains, qui se tordaient de fureur ; de les jeter à terre, de les piétiner, d’apaiser dans le meurtre cette fièvre dont il était secoué… Et puis, de nouveau, l’à quoi bon ? de l’homme trop amèrement déçu lui était retombé sur le cœur, et ses larmes avaient jailli, elles avaient ruisselé dans cette mer qui roulait entre sa patrie et lui sa houle éternelle et dont les lourdes vagues venaient se briser contre les flancs du bateau, — impuissantes et révoltées comme lui-même…

Il n’était pas revenu, — que longtemps après. Il ne s’était pas vengé. Jeanne avait épousé Bérion. Puis Michel n’avait rien su d’eux. Après son premier long voyage, il en avait entrepris un second, demandant, comme tant d’autres, au mouvement ininterrompu, au changement