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de l’autre et son fiancé en espérance, Gabriel Clamand, ceux-ci à cinquante pas en avant, et tous les quatre se laissaient, pour des raisons différentes, gagner par la poésie de l’endroit, à cet instant miraculeuse. Un doux silence, un de ces silences où il y a de la langueur et de l’attente, emplissait cette nature, à la veille d’entrer dans l’agonie glacée de l’hiver. Les oiseaux se taisaient. Pas un souffle de brise ne remuait les ramures immobiles des arbres. Les feuilles tombées, encore détrempées de la rosée de la nuit, feutraient l’allée d’un épais tapis, au lieu de crier sous les pieds. De place en place un coq-faisan, dérangé par l’approche des promeneurs, courait dans une clairière, pour gagner le sous-bois. On voyait bouger ses pattes agiles, son corps brun, les plumes de sa longue queue. C’était le seul signe de vie qui animât le vaste parc, quoique les promeneurs se tinssent dans la portion toute voisine du château et à portée de la cloche du déjeuner, — il était onze heures passées, — pour éviter à San Giobbe une marche trop longue et un retour trop rapide. Même en cheminant bien doucement, le malade était parfois obligé