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Page:Bourget - Un homme d’affaires - Dualité - Un Réveillon - L’outragé, Plon, 1900.djvu/37

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de s’arrêter, à cause des palpitations trop fortes de son cœur. Mais, comme s’il eût puisé un renouveau de forces dans l’air frais de cette matinée, ses arrêts étaient moins fréquents que d’habitude. Un rayonnement éclairait la profonde pâleur de son visage, où l’indestructible noblesse de la race lombarde se reconnaissait, malgré l’altération des traits vieillis. Une lueur de joie brillait dans ses prunelles noires, prises aujourd’hui entre les pochettes enflées des paupières. Un sourire découvrait ses blanches dents, restées intactes sous la moustache toute grise du sexagénaire. Pour quelques instants il oubliait la pire douleur de sa maladie, cette constante humiliation dans sa chair, cette nécessité de surveiller ses moindres mouvements, lui qui avait été, des années durant, un artiste en adresse et en sveltesse, si orgueilleux de sa force, et, maintenant, à chaque minute, à chaque seconde, il rencontrait la limite de cette force, détruite par cette mystérieuse affection de son pauvre cœur comme décroché, comme arrêté, presque affolé pour la montée d’un escalier, pour un geste brusque, pour une parole prononcée à voix trop