Page:Bourget - Un homme d’affaires - Dualité - Un Réveillon - L’outragé, Plon, 1900.djvu/47

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ses arbres, — mais ils sont aussi grands que ceux-ci, — et pour moi tant de souvenirs !… Il y a deux cents ans que les miens y vivent. Ce n’est pas très commun en France, une maison qui n’est jamais sortie de la famille qui l’a bâtie, une maison qui n’a jamais été vendue. Il y a une inscription qui raconte cela dans le péristyle… Que j’aimerais que vous la vissiez. . . » — « Et moi, j’aimerais tant la voir ! » fit-elle. Puis elle rougit un peu d’avoir parlé si vivement, et tous deux se turent, comme pour ne pas profaner avec des mots cette espérance, cette certitude, qu’elle la verrait, en effet, la vieille maison de Picardie ; qu’elle lirait l’inscription pieuse, mais appuyée au bras du jeune homme, mais portant son nom, souveraine élue du petit royaume familial. Ils allèrent de nouveau ainsi quelques pas. Ce fut lui qui reprit le premier, suivant involontairement le fil d’une association d’idées qui l’avait reporté à la soirée de la veille, et à l’une des personnes avec lesquelles il avait vu Béatrice causer : — « M. Desforges a bien de l’esprit, n’est-ce pas ?… » — « On le dit, » répondit-elle, « mais je ne peux