Page:Bourget - Un homme d’affaires - Dualité - Un Réveillon - L’outragé, Plon, 1900.djvu/48

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pas expliquer pourquoi il passe pour amusant, et moi, il m’attriste toujours… » — « Comment cela ? » demanda le jeune homme. — « C’est une impression, » répliqua-t-elle. — « Quand il est là, je l’écoute et il me fait rire, et quand il me laisse, je suis toujours mécontente de quelqu’un ou de quelque chose… » Ses épaules minces eurent encore un petit frisson, inconscient frémissement de sensitive à l’idée d’un homme dont elle ne pouvait cependant pas comprendre le flétrissant cynisme. — « Il excuse tout, » continua-t-elle, « et je ne connais personne qui ait moins de charité… Moi, j’aime qu’on s’indigne, j’aime qu’on haïsse. J’aime le courage. Et puis, c’est un inutile, comme tous d’ailleurs, comme M. Casal, comme M. de Portille, comme M. de Longuillon. S’appeler Longuillon et ne rien faire, ne pas avoir le besoin de servir son pays !… Je ne comprends pas que mon père, qui a tant travaillé, qui travaille tant, supporte leur société… Mais il dit qu’il faut tenir son rang." Chaque fois qu’elle rappelait ainsi le souvenir de celui qu’elle croyait son père, comme un voile s’