Page:Bourget - Un homme d’affaires - Dualité - Un Réveillon - L’outragé, Plon, 1900.djvu/59

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là une certitude de vengeance. Mais se venge-t-on d’un outrage quand on offre à celui qui vous l’inflige neuf cent quatre-vingt-dix-neuf chances contre une de vous mettre, par surcroit, trois pouces d’acier ou une balle dans le corps ? Il était exact enfin que jamais la sensation aiguë de cet outrage n’avait cessé d’assiéger de son lancinant rappel cet orgueilleux, humilié au point le plus vif de sa vanité masculine. Aucun de ses triomphes d’amour-propre mondain n’avait empêché le spéculateur envié, au milieu de son faste et parmi les fêtes, de se dire tous les jours, avec une âcreté de rancune qui lui brûlait chaque fois tout le cœur, qu’une fois hors de chez lui, tous les invités de ses dîners et de ses chasses, de son château et de ses loges, se répétaient avec un sourire : " Mme Nortier est toujours avec Giobbe… " Ce vulgaire, cet abominable être avec, qui donne dans l’argot d’aujourd’hui le même air d’ignominie aux amours du monde et aux autres, il ne l’entendait jamais prononcer à propos d’un couple quelconque sans qu’un peu de fiel n’exsudât en lui. Mais - et Casal y avait vu juste sur ce