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pour son futur gendre. Il les eût sues d’ailleurs qu’il les eût pardonnées, puisqu’elles remontaient à l’autre hiver, et il n’y eût sans doute vu qu’une nouvelle chance de succès dans un marchandage dont l’immoralité n’était guère sentie que par la comédienne. Camille était devenue une femme entretenue, mais après avoir, comme tant d’autres, caressé dans sa première jeunesse un noble rêve d’art (voir la Duchesse bleue). Il lui en restait, à travers les désordres de son existence, des traces d’idéal, qui se révélaient par des sursauts soudains de dégoût. Il y avait en elle, comme chez tant de Parisiens et de Parisiennes de notre époque, une sorte d’anarchisme moral, par lequel elle se rachetait à ses propres yeux - ses beaux yeux bleus demeurés si clairs - des compromis de conscience auxquels elle se livrait pour garder autour d’elle le luxe effréné dont elle ne pouvait plus se passer. La toute petite salle à manger, — son hôtel, sis avenue de Villiers, en avait deux, — où elle et Longuillon prenaient le café, avait été copiée sur une des chambres du Trianon. Avec ses chaises, sa table, son dressoir du plus pur dix-huitième