Page:Bourget - Un homme d’affaires - Dualité - Un Réveillon - L’outragé, Plon, 1900.djvu/63

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mère. S’il y eût eu une place pour son image dans l’esprit des quatre convives, ils se fussent figuré le financier occupé de tout autre chose que d’eux et du joli projet d’avenir conjugal dont la perspective les enchantait tout bas. En réalité, l’homme d’affaires était bien à ce moment-là dans son bureau, en train de dicter à son secrétaire les dernières lettres importantes d’une matinée très chargée ; mais s’il se hâtait de terminer ainsi sa correspondance du jour, c’est qu’il se savait attendu chez Camille Favier, — la charmante comédienne dont il était le protecteur depuis deux ans déjà, par vanité, comme il avait ses chevaux de course, sa galerie de tableaux et sa chasse. — Et il savait que Camille était en train de négocier pour lui la conclusion définitive de ladite soulte. Le débat avait pour théâtre une salle à manger aussi, celle de l’actrice, laquelle, ce matin-là, donnait à déjeuner à un personnage qui n’était rien moins que le marquis de Longuillon. Il y a toujours un coin d ironie dans les situations les plus tragiques. Dans l’espèce, cette ironie résidait en ceci, que Nortier ne soupçonnait pas les bontés que l’aimable fille avait eues plusieurs mois durant