Page:Bourget - Un homme d’affaires - Dualité - Un Réveillon - L’outragé, Plon, 1900.djvu/89

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d’humiliations par ce simple jeu de physionomie. Cette fois encore, devant les prunelles fixes du père officiel, où il pouvait lire distinctement cette question : « De quel droit vous mêlez-vous de ce mariage ?… » le père véritable eut une seconde de malaise, qui lui fit mettre, comme malgré lui, la main sur la poitrine. Ce n’était pas d’aujourd’hui qu’il lui semblait que Nortier avait tout deviné. L’amant jeune et superbe s’en fut moqué jadis. C’était à son tour, maintenant qu’il était vieux et malade, d’avoir peur, non pas pour lui, mais pour sa maîtresse et pour sa fille, et de plier. Il ajouta donc, d’une voix un peu étouffée, à cause de la petite secousse intérieure : « Non, je ne voulais pas parler du titre de Longuillon, mais de son caractère… » — « Il est excellent, » fit Nortier, qui continuait à garder son air de ne pas comprendre. « Connaissez-vous un plus agréable convive ? Un hôte plus facile et qui aiderait mieux sa femme à faire les honneurs d’une grande maison ? Est-ce vrai, Madeleine ? » — « C’est vrai, » répondit Mme Nortier, « mais cela ne suffit peut-être pas pour un mariage…