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et elle est si nerveuse. S’il pouvait lui parler ce soir ! » — " Laissons-lui prendre son moment, » répondit la mère, « il n’aime pas qu’on lui taquine la bouche. Je le connais… »

Elle devait avoir lieu le soir même, cette conversation entre Nortier et Béatrice, dont San Giobbe s’obstinait à croire, malgré ses pressentiments et ses observations, qu’elle serait favorable au projet de mariage avec Gabriel Clamand. Il en attendait un apaisement pour les nervosités de sa fille. — Hélas ! S’il en eût par avance deviné la véritable teneur, comme il eût souhaité qu’au contraire elle fût reculée, et que son enfant eût des jours et des jours à vivre, dans ce trouble d’une amoureuse ingénue, tantôt ravie, tantôt inquiète, toujours pleine d’espérance ! Et cette femme, qui croyait connaître son mari, que n’eût-elle pas fait pour empêcher cet entretien de sa fille et de son mari, si elle eût prévu qu’en envoyant celte enfant à ce tête-à-tête elle l’envoyait à un supplice qu’elle n’eût même pas osé imaginer ! Car ce fut elle-même qui à onze heures, et au moment