Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/153

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peine Pierre avait-il eu le temps de respirer cette odeur qui lui rendait Ely si présente, et la seconde porte s’était ouverte. Des voix lui arrivaient, parmi lesquelles il n’en distingua qu’une. Elle lui entra dans le cœur comme y était entré le parfum. Quelques pas encore, et il était devant Mme de Carlsberg elle-même, qui causait avec Mme Brion, la marquise Bonaccorsi et la jolie vicomtesse de Chésy. Plus loin, près de la haute porte vitrée ouverte sur la serre, Flossie Marsh, debout, s’entretenait avec un jeune homme, un grand garçon blond, très mal habillé, très laid, qui montrait sous une chevelure désordonnée un clair visage de savant aux yeux lucides et méditatifs, au sourire jeune. C’était Marcel Verdier, que la jeune fille avait prévenu d’un mot, hardiment, à l’américaine, et qui, empêché par l’archiduc d’assister au déjeuner, s’était échappé du laboratoire, dix minutes, pour venir la saluer. La baronne non plus n’était pas assise. Elle allait et venait à travers la pièce afin de tromper un énervement auquel mettait le comble l’arrivée de celui qu’elle attendait. Mais comment ce dernier s’en serait-il douté ? Comment aurait-il deviné, à la voir vêtue du classique costume-tailleur en serge bleue, fait pour la promenade, le motif qui l’avait le matin même chassée de la maison ? Elle avait marché du côté de son hôtel, à lui, comme il avait lui-même souvent marché du côté de la villa Helmholtz, pour voir une porte, une rangée de fenêtres, et s’en retourner le cœur battant. Enfin, comment aurait-il