Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/154

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lu dans les tendres yeux bleus de Mme Bonaccorsi une complaisance, dans les doux yeux bruns de Mme Brion une inquiétude qui, pour un amoureux capable d’observation, eussent été des raisons d’espérer ? Hautefeuille ne vit distinctement qu’une chose : l’anxiété que Mme de Carlsberg avait dans ses yeux, à elle, et qu’il interpréta aussitôt comme un signe d’un courroux inapaisable. C’en était assez pour qu’il trouvât à peine la force de répondre les phrases banales de la politesse, tout en prenant un siège auprès de la romanesque Italienne, qui lui avait fait signe de se mettre à côté d’elle, tant cette trop visible émotion lui faisait pitié. Cependant la gaie Mme de Chésy, la jolie blonde aux yeux bleus, d’un bleu aussi vif que celui des prunelles d’Andriana Bonaccorsi était profond, avait souri au nouveau venu. Ce sourire avait frappé de menues fossettes son frais visage potelé, si blanc sous la capote de loutre ; et sa fine taille prise dans une jaquette de la même fourrure, ses fines mains qui jouaient dans son manchon, ses pieds fins dans leurs bottines vernies achevaient de faire d’elle une charmante figurine de frivolité. Que le monde a raison d’être indulgent à ces poupées de la mode ! Car leur présence suffit à égayer, frivoliser, comme elles, si l’on peut dire, les situations les plus fausses et les visites les plus chargées d’explications. Étant donné ce que savait Mme Brion, ce que pensait Mme Bonaccorsi, ce que sentaient la baronne Ely et Pierre Hautefeuille, l’entrée de ce dernier eût rendu ce