Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/235

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ton nom à côté de celui du prince… Et veux-tu la voir, la chance de Corancez ? Regarde… » Il montrait par la fenêtre à Pierre Hautefeuille le ciel couvert de nuages noirs, et la rue, au pied du palais, balayée par la brise, avec les passants qui s’embossaient dans leurs manteaux. « Tu ne comprends pas ? » reprit-il. « Vous ne repartirez plus en mer par ce mauvais temps. Ces dames coucheront à l’hôtel. Ne trouves-tu pas que c’est délicieux d’avoir pour le soir de ses noces légitimes un rendez-vous clandestin comme s’il était coupable ? »

Le Provençal avait eu, pour faire cette confidence, plus libertine que conjugale, un sourire de demi-complicité. Il disait à Hautefeuille, ce sourire : « C’est une nuit d’amour qui se prépare, pour toi aussi. » Corancez vit son ami rougir comme peut rougir une jeune femme qu’un parent trop familier plaisante au lendemain de son mariage. Mais la nouvelle vicomtesse vint heureusement rompre ce tête-à-tête en s’approchant, appuyée sur le bras de Mme de Carlsberg. C’était le commentaire vivant du propos voluptueux de Corancez, que ces deux belles jeunes femmes si fines, si élégantes, si éprises, s’avançant vers les deux beaux jeunes hommes ; et l’air de paganisme qui se respire involontairement dans un décor d’Italie est si pénétrant, si prenant, que le frisson de pudeur éprouvé par Pierre s’apaisa sous le regard des yeux bruns de sa maîtresse, éclairés du même feu tendre que les yeux bleus de